A Beautiful Home is Essential

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Dans le sigle « PVT », il y a « vacances » et « travail ». Deux mois après mon déménagement à Hong Kong, je peux me vanter d’avoir déjà exploré ces deux versants et vécu quelques expériences que je ne vivrai certainement jamais en France.

J’aimerais partager ici ma première expérience professionnelle hongkongaise. Depuis un mois, je travaillais dans un magasin de meubles et de déco dans le quartier de Central.

Je vous le donne en mille : hier, mon boss m’a virée. Quoi, comment ?! Comme ça, en quelques minutes, sans véritable motif ?

Mais oui. D’une, il est américain. De deux, il est démoniaque. De trois, il exerce son américanisme et son démonisme à Hong Kong – là où les règles ne sont les règles que pour certains et où d’autres les contournent joyeusement sans obstacle aucun. Et là, paf paf, ça explose. Dans tous les sens.

Ca explose pour les clients, déjà. Le démon, bel homme suave de 50 ans et plus, exerce son charme satanique sur les clients avec la détermination de Tony Robbins et le sourire de Brad Pitt. Sûr de son élégance et de son talent oratoire, le voici qui offre cafés, thés et verres de vin à des clients déjà charmés, déjà perdus à jamais dans les affres du mythe Chris-tique. Car Chris le Démon sait s’y prendre. « Vous êtes américain aussi ? Vous venez d’où ? Boston ?! Magnifique. J’ai fait mes études là-bas. Dites m’en plus. Vous avez l’air d’une grande âme. Vous avez certainement obtenu des distinctions », « Vous êtes dans l’éducation ? Je ne peux pas vous laisser payer 100% du prix, c’est inacceptable. Une réduction de 20% est le moins que je puisse offrir à des gens aussi précieux que vous, qui œuvrent pour faire progresser l’humanité ».

Qui observe ces scènes de séduction de l’extérieur se trouve face à un fascinant festival d’hypocrisie et de flagorneries. Soit. Mais il y a autre chose : les mensonges. Les craques jetés au visage du client, teintés du mépris sous-jacent de l’imposteur qui a appris à se dégager intérieurement de toute responsabilité quant aux conséquences dramatiques sur le point d’éclater. Leur meuble fait sur mesure arrivera dans trois semaines, pas un jour de plus, leur garantit-il. Telle armoire un peu abîmée pendant le transport se verra réparée par une équipe de professionnels, promet-il. « Vous cherchez un cadeau ? Vous avez de la chance, et vous trouvez à l’endroit idéal ! », s’exclame-t-il, avant de se lancer dans un grand rire sonore dont l’écho me fait encore frémir d’effroi.

Les pauvres victimes acceptent. Elles ignorent encore qu’elles ont signé un pacte avec le diable. Car s’ensuivent alors des semaines d’attente, d’incompréhension, de frustration, de colère et enfin de défaite : d’abord ravis de leur commande, les clients souriront et remercieront l’Imposteur avec mille courbettes. Au bout de quelques semaines, ils s’étonneront de n’avoir aucune nouvelle de leur meuble qui, théoriquement, devrait déjà trôner dans leur salon. Ils appelleront alors le magasin et demanderont à parler à l’Imposteur, qui ne sera pas disponible. Les employés leur conseilleront alors de lui envoyer un email pour s’enquérir du statut de leur commande. Ce qu’ils feront. Ils n’auront évidemment aucune réponse, et rappelleront quelques jours plus tard. Même sketch. Puis encore. Cette fois-ci, les employés gênés, désemparés et pleins de bonne volonté tenteront de leur apporter une réponse. Ils consulteront la base de données Excel, en sachant déjà qu’elle n’est pas à jour, qu’il manque le statut des trois quarts des commandes. Ils promettront alors de faire de leur mieux pour obtenir des informations de la part de Chris. Ils attraperont donc leur boss alors au vol entre deux roulages de clients et lui poseront la question. Celui-ci lèvera les yeux au ciel et leur jettera une réponse aussi méprisante que mystérieuse : « Qu’est-ce qu’elle veut encore, celle-là ? On vient seulement d’enregistrer sa commande, elle croit quoi, que son meuble est déjà fait ? Laisse-moi m’occuper de ça, je répondrai plus tard. »

Les employés, défaits et déconfits, savent déjà qu’il ne répondra jamais et que le même sketch recommencera, que les clients deviendront toujours plus impatients, agressifs, puis profèreront éventuellement des insultes.

Je me suis donc fait agresser et insulter au téléphone chaque jour pendant un mois par des clients désabusés, inconscients du combat constant que je menais pour essayer d’améliorer la situation et atténuer la frustration engendrée par les mensonges et le manque de professionnalisme total de mon supérieur. Je me suis excusée mille fois pour des situations dont je n’étais absolument pas responsable, tout en ayant au fond de moi cette voix qui hurlait « C’est votre faute ! Vous vous êtes laissé charmer par le vendeur le plus pervers, le plus arrogant et le plus inefficace qui soit ! Assumez ! ».

Après des semaines de bataille, les clients, éprouvés, réclameront un remboursement. Qui leur sera, le plus souvent, tout simplement refusé par l’Imposteur, que le meuble soit ou non dans leur salon. Refusé, oui, pif paf pouf, qu’ils aillent se brosser. « Ces clients-là, plus tu leur donnes du mou, plus ils tirent sur la ficelle », me dira alors Chris d’un air entendu. « Ils n’obtiendront aucun remboursement. Dis-leur que je répondrai à leur mail. »

« Chris, tu oublieras de leur répondre, non ? » objecterai-je.

« Oui, sans doute. D’autres questions ? » répondra-t-il.

Mes pauvres collègues pourraient vous narrer la même histoire. Ceux qui survivent, du moins. Car l’Imposteur a l’adorable manie de recruter des jeunes pour quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, à qui il ne donne aucun contrat de travail, qu’il ne forme pas, puis qu’il vire en leur reprochant leur incompétence – c’est-à-dire de n’être pas capables de rouler les clients aussi bien que lui, ni de leur faire oublier la vaste blague que représente son magasin pathétique.

Hier, donc, mon boss m’a virée. Nous nous sommes assis face à face et il m’a expliqué que les choses ne marchaient pas, que je générais encore plus de confusion dans le fonctionnement du magasin (!!!), mais qu’il était prêt à me laisser encore une semaine pour que nous trouvions un meilleur équilibre. Je lui ai dit que non, que je choisissais de partir, évidemment. Il m’a assuré que j’étais une personne extraordinaire, très intelligente et capable d’un milliard de choses, mais peut-être tout simplement pas la bonne personne pour lui. Il m’a promis que je serais toujours la bienvenue au magasin et que nous nous quitterions bons amis. Alors que nous avions cette conversation délirante, je me surprenais à m’en vouloir de n’avoir pas été celle qui le quittait. Ma fierté en prenait un coup.

Vous avez compris, c’était une rupture amoureuse. J’étais à deux doigts de lui rendre ses affaires dans un sac plastique et de lui demander qui allait garder le chien.

(Merci Matthieu et Aron pour le fou rire).

Je me suis donc fait friendzoner par mon boss.

Comme au lendemain d’une rupture éprouvante, je suis partagée entre l’ivresse de la liberté retrouvée et le deuil qu’il convient d’entamer pour passer à autre chose.

En fait, non. Je ne suis qu’extase !

Car je trouverai ! Un autre Chris m’attend quelque part dans Hong Kong pour m’apprendre mille choses sur la nature humaine, ses lacis de noirceur, ses combines extravagantes, sa labyrinthique hypocrisie. Je suis prête ! Serveuse, marchande de légumes, prof de plongée sous-marine, je prends tout ! Que la prochaine aventure commence !


ENGLISH

The acronym « WHV » comprises the words « holiday » and « working ». Two months after moving to Hong Kong, I am decently able to boast about having already explored both sides and experienced things I will most likely never experience in France.

I would like to share my first Hong Kong job experience with you, as I worked at a home deco retail store in Central for a month.

I’ll give you three guesses: Yesterday, my boss fired me. What, how?! Just like that, in a few minutes, for no apparent reason?

Absolutely. For one thing, he is American. Secondly, he is evil. Thirdly, he performs his Americanism and his Evilness in Hong Kong – where rules only apply to certain people and are merrily circumvented by others with nothing to stop them. That is when, paf paf, explosions occur, things start blowing up. All over the place.

Things blow up for the customers. The Demon, a suave and handsome 50-something year-old, dispenses his fiendish charm with the determination of Tony Robbins and the smile of Brad Pitt. Confidently aware of his elegance and forensic skill, he will offer tea, coffee or glasses of wine to customers, who will then give in and forever be lost to the Myth of Chris(t). For Chris the Demon knows what he is doing. « Are you also American? Which area are you from? Boston?! Beautiful. I studied there. Please tell me more. You seem like you have a great soul. You must have been awarded distinctions. », « You work in Education ? I cannot let you pay full price. That would be unacceptable. A 20% discount is the least I can offer to wonderful people such as yourself, who strive to serve Humanity ».

Whoever witnesses these seduction scenes from the outside will find onself facing a fascinating festival of hypocrisy and toadying. But there is more: the lies. The fibs and whoppers thrust to customers’ faces, full of the underlying spite the Imposter will use to extricate himself from any responsability he may have in the dramatic consequences about to unfold. Their made-to-measure furniture will arrive in three weeks sharp, he guarantees. Such and such cabinet that was damaged when being shipped will be professionally repaired, he promises. « Oh, you’re looking for a gift? Lucky you, you have found the perfect place! », he will trumpet, then engaging in a loud laugh that still echoes in my head and makes me shudder with horror.

The poor victims accept. They are still unaware that they have signed a deal with the devil. For weeks of waiting, fustration, anger and defeat will follow: at first pleased with their order, customers will thank the Imposter and thank him a million times. After a few weeks, they will be eager to understand why they haven’t heard back from the store staff about furniture, which, theoretically, should already be the proud addition to their living room. They will then call the shop and ask to speak to the Imposter, who, of course, will not take the call. The staff will then advise them to send him an email, to enquire about their order status. Predictably, they will never be sent any response. They will therefore ring the store again a few days later. The same will happen, again and again. After a while, the embarrassed and well-meaning staff will do their best to give them an answer and consult the Excel database, perfectly aware that it isn’t up to date and lacks information about most of the orders. They will then promise to try harder and get answers from Chris. As they finally succeed in speaking to him in between stunts to customers, their boss will roll his eyes and give them a response both condescending and mysterious: « What is she still on about? We’ve only just placed her order, what does she expect, for her furniture to be ready? Let me handle it. I will address this later. »

The helpless and thwarted staff already know he will never address it and the same comedy sketch will keep occurring, that the customers will grow increasingly impatient, agressive, and eventually insult them.

I have thus been insulted every day over the phone for a month by disillusioned customers, who did not suspect the ceaseless battle I was carrying out to try and better the situation and alter the frustration generated by the lies and hopelessness of my boss. I apologised a thousand times for situations I had not created, always bearing that inner voice shouting: « It’s your fault! You gave in to the most evil, arrogant and inefficient salesman there is; live with it! »

After a protracted battle, the weary customers will request a refund – that will most often times be denied to them by the Imposter, should the furniture be or not even be in their living room. Denied, yes, pif paf pouf, let them all go to hell. « These customers, as soon as you start cutting some slack, they just keep wanting more and pushing it », Chris will tell me with a knowing look. « They’re not getting a refund. Tell them I’ll reply to their email. »

« Chris, you’ll forget to reply though, won’t you ? » will I object.

« Yes, I certainly will. Next question ? » will he answer.

My poor co-workers could narrate the same story. Those who survive, at least, for the Imposter has the peculiar knack of hiring young people for a handful of days, weeks or months, with no work contract, without training them, and then firing them blaming them for their incompetence – i.e. not being as good a scam as he is nor get the customers to forget what a joke his pathetic business is.

So yesterday, my boss fired me. We sat facing each other and he told me things weren’t working out, that I was creating more confusion than there already was in the way the shop was run (!!!!), but that he was willing to give me a shot at finding better balance for one more week. I said no, hat I would leave now, obviously. He assured me I as « a very special person », very intelligent and capable of achieving a billion things, but probably simply not the right person for him. He promised I would always be welcome to stop by the store and we would part on good terms. As we were having this insane conversation, I realised I was angry at myself for not being the one leaving him. My pride was hurt.

You got it, it was a romantic breakup. I was just about to give him his stuff back in a plastic bag and ask who would be the one keeping the dog.

(Thanks for making me laugh so hard, Aron and Matthieu.)

That’s right, I was friendzoned by my boss.

Just like after a trying breakup, I am now torn between the exhilirating feeling of new freedom and the grief I should undergo in order to move on.

Hell no. I am only rapture!

I will find something else! Another Chris somewhere awaits me in Hong Kong to teach me a thousand things about human nature, its lattice of darkness, its extravagant stunts, its convoluted hypocrisy. I am ready! Waitress, vegetable seller, diving teacher, I will take it all! Let the next adventure begin!

4 réflexions sur “A Beautiful Home is Essential

  1. C’est en lisant ce genre d’articles que je m’aperçois que l’expatriation me manque…A l’étranger on a le chic pour se retrouver dans des situations rocambolesques, totalement folles, aussi désagréables que drôles… Tu as une superbe plume en tous cas, c’est un immense plaisir de te lire (je découvre ton blog grâce à pvtistes, je lorgne sur un PVT HK après le passage de mon diplôme de prof de yoga cet été mais je me tate encore).

    Continue à nous régaler avec des articles de ce style 🙂

    1. Bonjour Samar, merci pour ton adorable commentaire, c’est un véritable encouragement à continuer l’écriture ! Je prépare d’ailleurs mon prochain article… Quant à tes hésitations, je ne peux te dire qu’une chose : fonce faire un PVT à HK… Je ne pense pas avoir jamais eu l’occasion de grandir autant dans un pays à la fois si différent et si semblable au nôtre, où tout est fascinant et facile en même temps, malgré un parcours semé d’aventures parfois négatives. C’est une expérience magnifique que je souhaite à tout le monde, et si tu hésites, je crois que tu es déjà sur la bonne voie – j’ai comme le sentiment que tu rejoindras le club des PVTistes HK bientôt… ! Sur ce, je vais faire un tour sur ton propre blog.
      A bientôt 🙂
      Julia

  2. J adore ton style d’ecriture. J adore tes descriptions, la fraicheur que degage tes ecrits. J’attends maintenant un de tes futurs livres en librairie…je pense sincerement que cela arrivera un jour prochain. Je suis fan.
    Lei

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